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Suspension des visas de regroupement familial : l’atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l’intérêt supérieur de l’enfant est reconnue

Public - Droit public général
25/01/2021
Les mesures règlementaires visant à suspendre la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France ne sont pas proportionnées dans la mesure où elles ne prévoient pas de dérogations pour les bénéficiaires.
 
Suivant requête du 16 janvier 2021, plusieurs associations de défense des droits des étrangers ont saisi le juge des référés du Conseil d’Etat afin d’obtenir la suspension de la décision du pouvoir règlementaire de suspendre les demandes de délivrance de visas long séjour au titre de la réunification familiale et du regroupement familial.
 
Le juge des référés rappelle que dans le contexte de la crise sanitaire, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d’état d’urgence sanitaire défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique. L’état d’urgence sanitaire a été décrété dans un premier temps pour deux mois pour être prorogé à plusieurs reprises en raison du contexte sanitaire. Il est actuellement prorogé jusqu’au 16 février 2021 avec la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et un nouveau projet de loi prévoit une prorogation jusqu’au 1er juin 2021. C’est dans ce contexte que le Premier ministre a pris des mesures limitant la circulation des étrangers sur le territoire national notamment avec des instructions du 18 mars 2020 et 15 avril 2020. Seules les personnes disposant d’attestation de déplacement international précisant la dérogation ont été admises sur le territoire.
 
Il résulte de l’instruction n° 6149/SG du 18 mars 2020 que le regroupement familial sur le territoire national est admis pour les conjoints et les enfants des ressortissants de nationalité française ou de l’espace européen. En revanche, tel n’est pas le cas pour les enfants et conjoints des ressortissants étrangers ayant obtenu la qualité de réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire.
 
Le juge des référés observe que d’après les données de l’instruction précitée, pour 2019, le nombre de personnes bénéficiant du regroupement familial et de la réunification familiale est de 60 personnes par jour. Avec un flux aussi minime, le Conseil d’État considère que l’administration n’apporte pas la preuve d’un risque significatif de « contamination exponentielle » dans les zones aéroportuaires notamment en région Ile de France. Et ce même dans le contexte actuel « d’une forte tension sur le système hospitalier ».
 
En outre, poursuit le Conseil d’État, si l’apparition de nouveaux variants plus contagieux en provenance de certaines zones géographiques appelle à des mesures de dépistages plus stricts, accompagnées éventuellement de mise en quarantaine ou d’isolement, pour toute personne entrant sur le territoire national. Il n’est pas pour autant prouvé, que de telles mesures ne pourraient être appliquées à des personnes souhaitant entrer en France, au titre du regroupement familial ou seraient insuffisantes.
 
Enfin, la situation en cause porte atteinte à deux droits, selon le juge des référés : le droit à mener une vie familiale normale et à l’intérêt supérieur des enfants, et ce de manière continue, depuis plus de dix mois. Ces dispositions ne sont donc pas proportionnées dans la mesure où aucune dérogation n’est envisagée pour les bénéficiaires de ces deux procédures. Leur légalité est donc en cause. Et ce, même si ces dispositions sont conformes au droit de l’Union qui permet en raison du contexte sanitaire, que les États membres puissent restreindre provisoirement les conditions d’entrée sur leur territoire y compris pour les personnes bénéficiant d’un regroupement familial ou d’une réunification familiale.
 
En conséquence, le Conseil d’État considère que les associations requérantes sont fondées à demander « la suspension de l’exécution, d’une part, de la circulaire du Premier ministre n° 6239/SG du 29 décembre 2020 en tant qu’elle ne prévoit pas de dérogations pour le regroupement familial et la réunification familiale, et d’autre part, de l’instruction donnée par le ministre de l’intérieur de ne pas délivrer les visas demandés dans le cadre de ces deux procédures ».
 
 
Source : Actualités du droit