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Masques, dépistages massifs, hydroxychloroquine : le Conseil d’État refuse toute injonction au Gouvernement dans le cadre de la lutte contre le Covid-19

Public - Santé
01/04/2020
Par trois ordonnances en référé rendues le 28 mars 2020, le Conseil d’État rejette les demandes formulées par des professionnels de santé soutenus par la Fédération des médecins de France, le Syndicat des Médecins Aix et Régions, et des particuliers. Les demandes portaient sur la prise de mesures permettant d’approvisionner les professionnels de santé en matériel et notamment en masques, sur des moyens permettant de procéder à des dépistages massifs, et sur la permission de prescrire de l’hydroxychloroquine.
Le 28 mars, le Conseil d’État, par trois ordonnances en référé (CE, ord., 28 mars 2020, nos 439765, 439693, 439726) a rejeté des requêtes formulées par des professionnels de santé et des particuliers fondées sur le droit à la vie et à la protection de la santé, qui visaient à obtenir des moyens supplémentaires dans le cadre de la lutte contre le coronavirus.
 
 
Des infirmiers libéraux demandaient Conseil d’État d’enjoindre au Gouvernement de prendre des mesures en vue d’assurer l’approvisionnement et la distribution de matériels de protection suffisants pour les professionnels de santé, et en particulier des masques de protection.
 
Le Syndicat des Médecins Aix et Régions (SMAER) demandait également des mesures pour fournir des masques aux professionnels de santé, des moyens de dépistage massifs et une autorisation pour prescrire et administrer aux patients des traitements à base d’hydroxychloroquine.
 
Enfin, des particuliers demandaient à la Haute cour d’enjoindre au Gouvernement de saisir l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) pour élaborer une recommandation temporaire d’utilisation pour permettre la prescription du médicament Plaquenil aux patients atteints du covid-19 « sans attendre le développement d’une détresse respiratoire », et d’enjoindre la production d’hydroxychloroquine.
 
 
Dans ses ordonnances, le Conseil d’État constate une insuffisante disponibilité de masques de protection et de dépistage, sans jamais relever de carence des autorités, et rejette les trois requêtes après avoir pris acte de la prise de mesures par le Gouvernement pour remédier à ces insuffisances.
 

1. Sur la prescription d’hydroxychloroquine


La demande de prescription du médicament controversé provenait à la fois de particuliers (n° 439765) et du SMAER (n° 439726).
 
La Haute cour note que plusieurs études ont été réalisées, « dont les auteurs déduisent que le traitement par hydroxychloroquine est associé à une réduction ou une disparition de la charge virale chez des patients atteints du covid-19 » (n° 439765). Elle rappelle que dans ce contexte, le Premier ministre a pris des mesures réglementaires autorisant par dérogation la prescription de la molécule.
 
Elle note toutefois que le gouvernement a « limité l’usage de la spécialité pharmaceutique en médecine de ville, en interdisant sa dispensation en pharmacie d’officine en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché » pour des raisons tenant aux effets négatifs potentiels du médicament et aux risques de pénuries, et estime que ces mesures ne peuvent être regardées « comme portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie et au droit de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé ».
 

2. Sur le matériel de santé et notamment les masques


Des infirmiers libéraux estimaient qu’une atteinte était portée au droit à la protection de la santé garantie par l’article 11 du préambule de la Constitution et demandaient à recevoir des matériels de santé, et notamment des masques (n° 439693). La même demande était formulée par le SMAER (n° 439726).
 
La Haute cour estime, dans les deux décisions que s’agissant des matériels autres que les masques, « il ne résulte pas de l’instruction que des difficultés notables d’approvisionnement justifieraient » de nouvelles mesures. Sur l’approvisionnement en masques, le Conseil note qu’au début de l’épidémie, le stock d’État comportait 117 millions de masques anti-projection (protégeant les personnes en contact avec le porteur) et « aucun stock stratégique de masques dits FFP2, conçus plus spécifiquement pour protéger le porteur lui-même ».
 
Le Conseil rappelle que le Gouvernement a pris des mesures permettant de renforcer la production nationale et de procéder à l’importation de masques à partir de pays fournisseurs, et a pris des décrets permettant la réquisition de masques détenus par toute personne morale de droit public ou privé. Il en résulte que le gouvernement prévoit de disposer de 24 millions de masques par semaine et de produire de 6 à 8 millions de masques par semaine à partir d’avril. Il rappelle également, au sujet de la distribution des masques, que les médecins ou infirmiers de ville ont été mis en mesure de retirer 18 masques par semaine.
 
La Haute juridiction admet que la quantité de masques est insuffisante mais déclare que « la situation devrait connaître une nette amélioration au fil des jours et semaines à venir » (n°439693). Elle en conclut qu’il « n’y a, ainsi et en tout état de cause, pas matière à prononcer les mesures que les requérants sollicitent et qui ne pourraient être utilement prises pour augmenter le volume de masques disponible à bref délai ».
 
Le SMAER demandait également des masques destinés à la population. LaHaute cour rejette ce moyen pour défaut de précision et ajoute que compte tenu du caractère limité des stocks, il est nécessaire de maintenir une réquisition au bénéfice des professionnels de santé.
 

3. Sur les dépistages


Le SMAER demandait également qu’il soit enjoint de fournir aux professionnels de santé des moyens de dépistage massif et l’autorisation des laboratoires de biologie médicale à réaliser les tests de dépistage. Il faisait valoir en outre que les tests de dépistage n’étaient pas pratiqués massivement, « contrairement à ce que recommande l’organisation mondiale de la santé ».
 
Le Conseil d’État répond (n° 439726) que « les autorités ont pris les dispositions avec l’ensemble des industriels en France et à l’étranger pour augmenter les capacités de tests dans les meilleurs délais » et pour qu’ils soient réalisés dans des laboratoires de biologie médicale, ceci « dans la perspective de la sortie du confinement ». Il note que la limitation des tests « résulte d’une insuffisante disponibilité des matériels » et rejette le moyen.
Source : Actualités du droit